Tourner la page… Ou continuer de feuilleter les chapitres de sa vie. Sa vie d’avant, sa vie là-haut, Laurent Roux ne l’oublie pas. Il lui faut pourtant avancer, sur les routes comme avant, mais loin du vélo. Au volant de son poids-lourds, reconverti livreur de paille, l’ancien coureur tâche de garder le cap malgré les souvenirs qui surgissent à chaque virage, sur chaque ligne d’horizon.
Sportif à succès, cycliste à excès, l’ancien grimpeur a connu des sorties de route, purgé sa peine et rêve aujourd’hui de renouer avec sa passion, le vélo. Loin de ce monde qui ne veut plus de lui, il vit un quotidien fait de trajets dans les campagnes de son sud-ouest, de nuits passées dans sa cabine et de livraisons chez des agriculteurs qui le ramènent à son passé. La passion, la gloire, Armstrong, le dopage, la drogue, la prison, la solitude… et l’espoir, qui demeure mais s’effrite au fil des jours, des kilomètres et des bottes de paille livrées. Laurent Roux, coureur déchu, oublié, entouré de ses démons, mais homme toujours debout. Qui marche et roule. Tête haute et honneur en bandoulière. A la recherche de son futur.
Frédéric Adam.
𝗣𝗮𝗿𝗮𝗱𝗶𝘀. 𝗘𝗻𝗳𝗲𝗿. 𝗣𝘂𝗿𝗴𝗮𝘁𝗼𝗶𝗿𝗲.
Davide Rebellin a tout traversé. A la félicité d’un triplé historique dans les Ardennes en 2004 succède la damnation d’un contrôle positif sur l’épreuve Olympique de Pékin. Sa médaille de bronze a le goût du plomb des années 90. Rebellin crie à l’injustice tout en se résignant à la pénitence : deux ans de suspension pour être passé pro en même temps que l’EPO.
Dans un cyclisme qui régurgite ses brebis galeuses à l’aune de la faute commise, on s’arrange pour l’éloigner. Il trouve refuge dans la modeste équipe polonaise CCC et écume les courses mineures pendant que Basso, Scarponi et Di Luca ont le droit d’enflammer, à nouveau, les routes du Giro. Les années passent. Le 30 mai 2015, il est blanchi par le tribunal de Padoue pour « vices de procédure ». Sur le chemin de la rédemption, le Vénitien finit par échouer sur l’autre rive de la Méditerranée. Une équipe algérienne recueille le repenti catholique sans contrat. Ni bus climatisé, ni barres énergétiques, Rebellin se ravitaille en dattes des collines d’Oran et tourne les jambes, parfois 6 à 7 heures sur une seule journée, pour mettre à distance l’opprobre et le poids des années. Dans le peloton, alors qu’il frotte avec des coureurs dont il pourrait être le père, Rebellin n’oublie jamais de retirer ses lunettes dans les moments-clés de la course pour gagner en lucidité, comme en 2004, dans le mur de Huy. Un regard résolu matiné de cette fragilité touchante qui lui a valu, à ses débuts, un surnom : « Il Chierichetto » (« l’enfant de choeur »). C’était au siècle dernier.
Les rides ont aujourd’hui creusé des sillons sur le visage, le style est moins explosif. Davide a vieilli. Il a 48 ans. Sur la ligne de départ, certains l’admirent, d’autres soupirent.
Qu’est-ce qui faire encore courir Davide? L’ambition? La passion? La peur de raccrocher? Un peu de tout ça, sans doute.